ettre de notre Glorieux Père Bienheureux Augustin, adressée à la dame Félicie, au sujet des scandales dans l’Eglise (octobre de l’an 423).
§ 1 – Augustin, à l’honorable Dame Félicie, sa chère fille en Jésus-Christ, salut dans le Seigneur. Je ne doute pas qu’avec une foi comme la vôtre et à la vue des faiblesses ou des iniquités d’autrui, votre âme ne soit troublée, puisque le saint Apôtre, si rempli de charité, nous avoue que nul n’est faible sans qu’il s’affaiblisse avec lui, et que nul n’est scandalisé sans qu’il brûle (2 Cor. XI, 29).
J’en suis touché moi-même, et dans ma sollicitude pour votre salut, qui est dans le Christ, je crois devoir écrire à votre sainteté une lettre de consolation ou d’exhortation. Car vous êtes maintenant si étroitement unie à nous dans le Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est Son Eglise et l’unité de Ses membres (Note : Saint Augustin fait ici allusion au fait que Félicie était revenue à l’Eglise après avoir adhéré à l’hérésie et au schisme de Donat) ; vous êtes aimée comme un digne membre de Son Corps divin, et vous vivez avec nous de Son Saint-Esprit.
§ 2 – C’est pourquoi je vous exhorte à ne pas trop vous laisser troubler par ces scandales ; ils ont été prédits, afin que, lorsqu’ils arrivent, nous nous souvenions qu’ils ont été annoncés, et que nous n’en soyons pas très-émus. Le Seigneur lui-même les a ainsi annoncés dans l’Évangile : « Malheur au monde à cause des scandales ! il faut qu’il en arrive ; mais malheur à l’homme par lequel arrive le scandale ! » (Matth. XVIII, 7). Et quels sont ces hommes, sinon ceux dont l’Apôtre a dit qu’ils cherchent leurs propres intérêts et non pas les intérêts de Jésus-Christ (Phil. II, 21).
Il y a donc des pasteurs qui occupent les sièges des Eglises pour le bien des troupeaux du Christ ; et il y en a qui ne songent qu’à jouir des honneurs et des avantages temporels. Il est nécessaire que dans le mouvement des générations humaines ces deux sortes de pasteurs se succèdent, même dans l’Église catholique, jusqu’à la fin des temps et jusqu’au jugement du Seigneur.
Au temps des apôtres, s’il y en eut de semblables, s’il y eut alors de faux frères que l’Apôtre en gémissant signalait comme dangereux (2 Cor. XI, 26) et qu’il supportait avec patience au lieu de s’en séparer avec orgueil, combien plus faut-il qu’il y en ait au temps où nous sommes, puisque le Seigneur a dit clairement de ce siècle, qui approche de la fin du monde : « Parce que l’iniquité abondera, la charité de plusieurs se refroidira ». Mais les paroles qui viennent à la suite doivent être pour nous une consolation et un encouragement : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, sera sauvé » (Matth. XXIV, 12 & 13).
§ 3 – De même qu’il y a de bons et de mauvais pasteurs, de même, dans les troupeaux, il y a les bons et les mauvais.
Les bons sont appelés du nom de brebis, les mauvais du nom de boucs ; ils paissent ensemble, jusqu’à ce que vienne le Prince des pasteurs, que l’Evangile nomme « le seul Pasteur » (Jean, X, 16) ; et jusqu’à ce que, selon Sa promesse, Il sépare les brebis des boucs (cf. Matth. XXV, 32).
Il nous a ordonné de réunir : Il S’est réservé de séparer : car Celui-là seul doit séparer, qui ne peut Se tromper.
Les serviteurs orgueilleux qui ont osé faire si aisément la séparation que le Seigneur S’est réservée, se sont séparés eux-mêmes de l’unité catholique. Impurs par le schisme comment auraient-ils pu avoir un troupeau pur ?
§ 4 – C’est notre Pasteur Lui-même qui veut que nous demeurions dans l’unité, et que, blessés par les scandales de ceux qui sont la paille, nous n’abandonnions point l’aire du Seigneur ; Il veut que nous y persévérions comme le froment jusqu’à la venue du divin Vanneur (cf. Matth. III, 12), et que nous supportions, à force de charité, la paille brisée.
Notre Pasteur Lui-même nous avertit dans l’Evangile de ne pas mettre notre espérance même dans les bons pasteurs à cause de leurs bonnes oeuvres, mais de glorifier Celui qui les a faits tels, le Père qui est dans les cieux, et de Le glorifier aussi touchant les mauvais pasteurs, qu’Il a voulu désigner sous le nom de scribes et de pharisiens, enseignant le bien et faisant le mal.
§ 5 – Jésus-Christ parle ainsi des bons pasteurs : « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut pas être cachée, on n’allume pas une lampe pour la placer sous le boisseau, mais sur un chandelier, afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Matth. V, 14-18).
Mais avertissant les brebis au sujet des mauvais pasteurs, Il disait : « Ils sont assis sur la chaire de Moïse. Faites ce qu’ils vous disent ; ne faites pas ce qu’ils font ; car ils disent et ne font pas » (Matth. XXIII, 2, 3).
Ainsi prévenues, les brebis du Christ entendent Sa voix, même par les docteurs mauvais, et n’abandonnent pas Son unité.
Ce qu’elles leur entendent dire de bon ne vient pas d’eux, mais de Lui ; et ces brebis paissent en sûreté, parce que, même sous de mauvais pasteurs, elles se nourrissent dans les pâturages du Seigneur. Mais elles n’imitent pas les mauvais pasteurs dans ce qu’ils font de mal, parce que de telles oeuvres ne viennent que d’eux-mêmes et non pas du Christ.
Quant aux bons pasteurs, elles écoutent leurs salutaires instructions et imitent leurs bons exemples.
L’Apôtre était de ce nombre, lui qui disait : « Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ » (1 Cor. XI, 1). Celui-là était un flambeau allumé par la Lumière éternelle, par le Seigneur Jésus-Christ Lui-même, et il était placé sur le chandelier parce qu’il se glorifiait dans la croix : « A Dieu ne plaise, disait-il, que je me glorifie en autre chose qu’en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ ! » (Gal. VI, 14 ). Il cherchait non point ses intérêts, mais ceux de son Maître, lorsqu’il exhortait à l’imitation de sa propre vie ceux qu’il avait engendrés par l’Evangile (I Cor. IV, 15). Toutefois il reprend sévèrement ceux qui faisaient des schismes avec les noms des apôtres, et blâme ceux qui disaient : « Moi, je suis à Paul ». Il leur répond : « Est-ce que Paul a été crucifié pour vous ? ou êtes-vous baptisés au nom de Paul ? » (1 Cor. I, 18 ).
§ 6 – Nous comprenons ici que les bons pasteurs ne cherchent pas leurs propres intérêts, mais les intérêts de Jésus-Christ, et que les bonnes brebis, tout en suivant les saints exemples des bons pasteurs qui les ont réunies, ne mettent pas en eux leur espérance, mais plutôt dans le Seigneur qui les a rachetées de son sang, afin que, lorsqu’il leur arrive de tomber sous la houlette de mauvais pasteurs, prêchant la doctrine qui vient du Christ et faisant le mal qui vient d’eux-mêmes, elles fassent ce qu’ils disent et non pas ce qu’ils font, et qu’elles n’abandonnent pas les pâturages de l’unité à cause des enfants d’iniquité.
Les bons et les mauvais se mêlent dans l’Eglise catholique, qui n’est pas seulement répandue en Afrique comme le parti de Donat, mais qui, selon les divines promesses, se propage et se répand au milieu de toutes les nations, « fructifiant et croissant dans le monde entier » (Coloss. I, 6).
Ceux qui en sont séparés, tant qu’ils demeurent ses ennemis, ne peuvent pas être bons; lors même que quelques-uns d’entre eux sembleraient bons par de louables habitudes de leur vie, ils cesseraient de l’être par la seule séparation : « Celui qui n’est pas avec moi, dit le Seigneur, est contre moi ; et celui qui n’amasse pas avec moi, dissipe » (Matth. XII, 30).
§ 7 – Je vous exhorte donc, honorable Dame et chère fille en Jésus-Christ, à conserver fidèlement ce que vous tenez du Seigneur ; aimez-Le de tout coeur, Lui et Son Eglise ; c’est Lui qui a permis que vous ne perdissiez pas avec les mauvais le fruit de votre virginité et que vous ne périssiez pas.
Si vous sortiez de ce monde séparée de l’unité du corps du Christ, il ne vous servirait de rien d’être restée chaste comme vous l’êtes.
Dieu, qui est riche dans Sa miséricorde, a fait en votre faveur ce qui est écrit dans l’Evangile : les invités au festin du Père de famille, s’étant excusés de ne pouvoir y venir, le maître dit à ses serviteurs : « Allez le long des chemins et des haies, et forcez d’entrer tous ceux que vous trouverez » (Matth. XXII, 9).
Vous donc, quoique vous deviez sincèrement aimer Ses bons serviteurs par le ministère desquels vous avez été forcée d’entrer, vous ne devez cependant mettre votre espérance qu’en Celui qui a préparé le festin : vous avez été sollicitée de vous y rendre pour la vie éternelle et bienheureuse.
En recommandant à ce divin Père de famille votre coeur, votre dessein, votre sainte virginité, votre foi, votre espérance et votre charité, vous ne serez point troublée des scandales qui arriveront jusqu’à la fin ; mais vous serez sauvée par la force inébranlable de votre piété, et vous serez couverte de gloire dans le Seigneur, en persévérant jusqu’à la fin dans son unité.
Apprenez-moi, par une réponse, comment vous aurez reçu ma sollicitude pour vous, que j’ai voulu vous témoigner de mon mieux dans cette lettre.
Que la grâce et la miséricorde de Dieu vous protègent toujours !
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De la page du Père Luc Duloisy
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